Perdu dans la ville [PV Sigmund/Namidachi]

Malgré les paroles d'apaisement de Makoto, le guerrier du nord reste enfermé dans son entêtement. Lorsqu'il entend ce que Makoto lui révèle à propos de la suite des évènements, Sigmund sent un regain de rage faire bouillir ses veines. Il lance un regard noir au manager avant de murmurer d'une voix sourde :

" Et vous le laissez faire ? Pfff ... "

L'asgardien est amer. En ce moment précis, il en veut à la terre entière.

" Pourquoi il fait ça ? C'est à cause de ce qui lui est arrivé à lui et ses parents, n'est-ce pas ? ... J'ai connu quelqu'un comme lui. "

Derrière cet avoeu, un non-dit. Les souvenirs douloureux remontent à la mémoire de Sigmund : son premier amant, un écuyer qui avait été engagé par la famille. Le serviteur était venu de lui-même séduire l'aîné des Duhbe, s'était donné à lui, exerçant une certaine fascination sur un jeune homme encore assez naïf sur la façon dont pouvait tourner le monde.

Puis un jour, son père lui avait annoncé que l'écuyer était parti et qu'il avait rejoint le service d'une tante éloignée. Il avait découragé Sigmund d'essayer de le revoir en expliquant que ce serviteur ne lui avait pas offert un amour sincère : il s'était forcé parce qu'il avait été abusé par son précédent maître et cherchait par ce biais tordu un soutient dans la famille pour ne plus changer d'employeur et ne plus risquer d'être maltraîté comme il l'avait été.  C'était d'ailleurs lors de cette discussion que le père de Sigmund lui avait bien recommandé de ne plus chercher à entretenir ce genre de relation avec un autre homme, car les gens du peuple d'Asgard voyaient ces choses d'un mauvais oeil. La réputation de leur famille était en jeu.

" Je ne revivrais pas cela. Jamais ! Et je ne resterai pas les bras croisés si c'est ce que je pense. "

Le regard brûlant de Sigmund en dit long. Il est prêt à faire le sacrifice de son temps et de ses propres désirs pour mettre Nami à l'abri de ses démons s'il le faut.

Le premier mouvement de Sigmund est toiser Makoto avec sévérité alors qu'il commence à lui énumérer des excuses pour justifier son inaction. Mais finalement, l'asgardien parvient à comprendre qu'il a tort d'accuser le manager sans réfléchir. Makoto ne peut pas prendre le risque de faire une faute qui pourrait compromettre son avenir et celui de Nami dans le cinéma. On doit parfois accepter beaucoup de choses lorsque l'on fait partie d'un petit monde avec ses règles et ses codes, même de la part des individus les moins intéressants.

Mais pour Nami, Sigmund ne peut pas accepter cela. Makoto lui-même lui a donné raison. Ce n'est pas le fruit de son imagination : la scène qui se déroule sous leurs yeux est inacceptable. Il frappe du poing dans la paume de sa main, contrarié à l'idée que dans cette situation il ne va pas pouvoir exprimer sa colère comme il l'entend. Le visage envahi d'un froid courroux envers  ces gens qui donnaient ces ordres à Nami, il quitta la salle non sans avoir murmuré à l'adresse de Makoto.

" Je compte sur vous pour prendre soin de Fenrir. "

En arrivant sur le plateau de tournage, Sigmund ne s’embarrassa pas d'introduction. Le scandale du corps si beau de celui qu'il aime donné en spectacle à ces ignorants le met trop en colère pour cela. Il s'avança vers Nami en coupant court au tournage d'une voix forte :

" On arrête tout ! "

Des regards médusés se tournent dans sa direction. Au milieu de la confusion, l'assistant du réalisateur essaye de se mettre en travers de son chemin en le traitant d'abruti, mais Sigmund le repousse comme on chasse un insecte d'un revers de main. Il saisit le peignoir abandonné de Nami et le lui tend. Il a clairement l'intention de l'attirer à l'écart et ne donne pour justification que quelques mots :

" Je dois discuter de quelque chose d'important avec mon patron. C'est urgent. "

" Non mais il est impossible de faire son travail sans être gêné. Qu'est-ce que tu veux, le garde chien ? J'ai un avion à prendre cet après-midi, on est pressés. "

Le sang de Sigmund ne fait qu'un tour. A peine Steven s'est il dressé contre l'asgardien qu'il se retrouve la seconde d'après accroupi au sol, le bras retourné dans le dos et maintenu par la poigne de fer de Sigmund dans une position plutôt inconfortable. Les témoins de la scène ont à peine vu l'asgardien bouger. Ils savent que Steven Hill est amateur de judo, mais lui et le garde du corps de Nami ne jouent clairement pas dans la même cour. On peut même se demander dans quelle cour Sigmund peut bien jouer.

" Vous feriez mieux de disparaître de ma vue avec votre ignorance. Vous ne savez pas à qui vous avez à faire. Tu viens, Nami ? "

Devant les larmes de l'acteur, Sigmund ne sait plus trop s'il a bien agit. Certes, les paroles de Nami le confortent dans le sentiment que ce qu'il a accompli était juste, mais en même temps, il y a sans doute été un peu fort. Le guerrier du nord réalise à quel point il est ému par ce jeune homme alors que la colère qui brûlait en lui s'éteint presque aussi subitement qu'elle s'est enflammée.

" Nami ... "

Il essaye de l'empêcher de le remercier en posant ses mains sur les épaules du jeune homme. Des remerciements c'est tellement peu approprié. Il plonge alors son regard dans le sien, d'un bleu triste, car désormais il ne peut plus rien faire d'autre que partager avec celui qu'il aime les joies et les peines.

" J'ai besoin de savoir. Est-ce que c'est vraiment ce que tu veux faire ? Jouer ces ... ces scènes ? Est-ce que cela en vaut vraiment la peine ? Tu m'as dit que tu voulais aider les gens à traverser des épreuves en les mettant en scène. Je ne sais rien du cinéma ou de ton monde, mais n'y a t-il pas autre chose à faire pour atteindre ton but ? Tu ne le regretteras pas ? "

Alors qu'il est en train de poser ces questions à Nami, l'asgardien ne peut s'empêcher de montrer un élan de sincérité, même s'il n'avoue qu'à demi-mots sa jalousie dont il n'est pas vraiment fier. Cependant, il y a autre chose qu'il lui a cachée pour ne pas l'inquiéter mais qu'il ne peut plus taire maintenant.

" Lorsque je t'ai vu avec cet acteur, que j'ai compris que vous deviez ... Je ne sais pas ce qui m'a pris. Mon acte était peut-être dicté par l'égoïste finalement. Mais il faut que tu saches quelque chose : tes visions sont peut-être l'indice que tu abrites une conscience divine. Imagine la catastrophe si un être divin, un être capable de destructions à l'échelle planétaire, ressent des choses qui vont l'offenser et lui faire détester l'humanité. "

La réaction violente de Nami désarma l'asgardien sur le coup. Que n'avait-il pas été dire là ? Il essaya de contredire les paroles de l'acteur mais celui-ci ne l'écoutait déjà plus, en proie à une terrible angoisse.

" Non, tu n'as rien fait de mal ! Ce n'est pas ce que je voulais dire ! "

Quelque chose chez Nami fait peur à Sigmund en cet instant. Il a l'impression de la sentir une fois de plus comme l'autre soir, cette aura qui ferait taire le plus arrogant des guerriers. Et il sait que c'est lui qui l'a provoquée.

Pourquoi ne pouvais-tu pas garder cela pour toi ? Tu as promis de tout faire pour l'aider, et tu n'es même pas capable de te maîtriser et de garder le silence !

" Nami ! Je t'en prie, calme-toi. Je t'ai dit que je ferais tout pour t'aider ! Mais j'ai besoin que tu m'aides à faire respecter cette puissance qui t'habite ! Pour le bien de tous ! "

Il lui faut faire appel à tout son courage pour s'approcher de l'acteur pour tenter de réparer son erreur. L'asgardien essaye de se pencher pour attraper Nami dans ses bras pour l'aider à se calmer.

L'air hagard de Nami panique Sigmund. Il sent une présence derrière lui et voit Makoto qui marche dans leur direction. L'asgardien ne sait pas par quel biais cette chose est possible, mais le manager de l'acteur a du pouvoir sur cette puissance ou cette entité qui se trouve hôte du jeune homme.

" Ha ... "

Nami a perdu connaissance. Angoissé, l'asgardien finit par se rendre compte que l'acteur s'est simplement endormi d'épuisement. Encore sous le coup de la surprise, Sigmund regarde Makoto avec un air d'incompréhension. Puis il se décide à suivre les instructions du nageur, et charge Nami sur son dos pour le porter jusque dans la salle vitrée donnant sur le plateau. Il couche précautionneusement Nami sur la banquette avant de le regarder avec tristesse, caressant sa joue du bout des doigts.

Qu'est-ce que j'ai fait ...

Abattu, il attend les explications de Makoto sans dire un mot.

Les explications de Makoto sont loin de résoudre tous les problèmes. Il n'a vraisemblablement pas envie de dire qui il est. Toujours est-il qu'ils ont la même priorité, et le coeur de Sigmund se serre quand il apprend que les crises de Nami vont vers une même conclusion logique : un jour le pouvoir dont il est l'hôte devrait prendre le dessus.

Je vais peut-être le perdre ...

Cette pensée douloureuse l'empêche de parler. En contemplant l'acteur endormi, Sigmund se rend compte qu'il ne pourra pas s'y résoudre. Mais que peut-il faire à part tout mettre en oeuvre pour retarder ce moment ? Il croyait bien agir en faisant part de ses craintes à Nami et le mettant en garde à ne pas se mettre dans des situations difficiles. Mais cela n'a fait qu'empirer les choses. Et c'était lui qui traitait les autres d'ignorants ! Il serre les dents et ravale les larmes qui naissent dans ses yeux. Maintenant que le mal est fait, rien ne sert d'avoir des regrets.

" Comment arrivent ces crises ? Est-ce que vous avez réussi à comprendre ce qui les provoque ? Et ... et que fait-il pendant ces crises si on ne les arrête pas ? "

La voix de l'asgardien est atone. La vérité ne sera sans doute pas agréable à entendre. Mais il sait qu'il vaut mieux faire face à la réalité que de se laisser rattraper par elle.

" Qu'est-ce que je vais devoir faire ? Lui mentir, lui faire croire qu'il a mal entendu ou que je me suis trompé ? "

Toute cette histoire est de moins en moins claire. Même si c'est un soulagement d'apprendre que l'être qui habite Nami n'est pas maléfique, il y a bel et bien un danger présent. Pendant le récit du nageur, Fenrir qui a senti que l'un de ses maîtres était mal en point vient se rouler en boule aux côtés de l'acteur.

Finalement Sigmund hoche de la tête lorsque Makoto devrait être celui qui parlera à Nami. Après tout, c'est lui qui y voit le plus clair. A regrets il se lève et s'éloigne de l'acteur : il sait que c'est pour le mieux.

" Je sais que vous réussirez à trouver les bons mots. Merci pour tout, Makoto. "

L'asgardien quitte alors la salle pour laisser oeuvrer le manager. Il attend appuyé contre le mur, les bras croisés, méditant ce qu'il a vu et entendu. Les rares employés du studio qui s'aventurent dans le couloir passent devant lui avec le profil bas. Ils ont plutôt peur de lui et n'osent pas demander ce qui se passe dans la salle de repos.

L'attente paraît assez longue à Sigmund. Il ferme les yeux et essaye de se concentrer pour calmer son angoisse. Est-ce que la révélation de la vérité ne sera pas un choc trop difficile pour Nami ? Il aimerait savoir ce que Makoto lui raconte exactement pour pouvoir éviter de donner une version différente.

Finalement, je devrais éviter le sujet avec Nami, cela vaudra mieux.

Il sait déjà ce silence qui va s'installer entre eux alors que les choses lui paraissaient plus faciles au début, un nuage sourd dans leur horizon. Le doute commence à le ronger. Est-ce qu'il vraiment en parler à la prêtresse de Polaris du rêve de Nami ? S'il le fait, est-ce que ce sera réellement dans l'intérêt de Nami ? S'il ne le fait pas, est-ce que cela sera une trahison ?

Lorsque Nami réapparaît, l'asgardien se redresse, le regard inquiet. L'acteur a l'air bouleversé. Ne sachant trop quoi dire, il le laisse parler. Son visage blêmit devant les larmes du chanteur. Il l'enveloppe dans ses bras, le couvrant de toute sa tendresse. Le sourire lui revient alors qu'il sent la chaleur de son aimé tout contre lui. Cette émotion balaye toutes les autres.

" J'ai eu ... vraiment peur. "

Au milieu de ce couloir, il est impossible de montrer beaucoup de gestes d'affection. L'asgardien brûle d'embrasser Nami, mais il n'ose pas. Alors à la place il le serre un peu plus fort, penche sa tête contre la sienne et lui chuchotte tout bas :

" J'ai besoin de toi. "

Une fois de plus, Makoto savait ce qu'il fallait faire, et indiqua aux deux jeunes gens que la salle de repos était libre avant de partir de son côté. Sigmund y passa en compagnie de Nami. Ils avaient bien besoin de reprendre leurs esprits. Derrière la vitre, on voyait que l'activité des gens du studio avait repris tant bien que mal, même avec un peu de désordre. L'asgardien regarda songeusement le spectacle. Makoto aurait encore du travail pour trouver des excuses et arranger la situation.

" Je fais vraiment n'importe quoi, n'est-ce pas ? "

Puis il se tourna pour adresser un sourire contrit à son employeur officieux avant de s'approcher de lui et de poser ses mains autour des épaules de l'acteur et de lui demander d'une voix un peu plus apaisée :

" Comment tu te sens ? "

Puis, il essaye de vaincre sa gêne et murmure :

" Pour ce que je t'ai dit tout à l'heure, je suis désolé. Tu es libre de faire ce que tu as envie de faire, je n'ai pas à m'en mêler. Mais j'ai quand même besoin que tu m'expliques pourquoi tu dois mimer une scène d'amour avec ce type et montrer ça à des milliers de personnes que tu ne connais pas. Cela me dépasse, je n'arrive pas à l'accepter. "

Le regard du nordique est troublé, il cherche une réponse dans les yeux de Nami.

Aide-moi. Aide-moi à t'accepter comme tu es.

Un à un certains poids commencent à se lever alors qu'ils échangent leurs aveux. Sigmund sent encore la peine de Nami, mais maintenant il comprend mieux quelle est sa véritable origine. L'acteur aime son métier, mais il est pris entre la pression des réalisateurs et celle de son frère.

L'Asgardien baisse les yeux à son tour. Il aimerait lui aussi fuir loin d'ici avec Nami, qu'ils soient les deux seuls êtres au monde. Mais bien entendu, cela n'est pas possible. Chacun doit faire son devoir sur Terre, lui en s'entraînant pour devenir guerrier divin, Nami pour montrer aux gens qu'il existe une meilleure façon de vivre ensembles.

" Je comprends mieux ... "
Sigmund n'est pas sûr qu'il pourra vraiment s'y faire, mais Nami l'a tout de même rassuré sur ce qu'on lui demande de faire, qui a l'air moins indigne que ce que l'asgardien s'imaginait. Malgré tout, il ressent encore cette peine et cette peur, alors il prend l'acteur dans ses bras, caresse son visage, avant de poser ses lèvres sur les siennes. Lorsque le baiser s'interrompt, il reste étreint avec lui, la joue posée contre les cheveux de son aimé. Sa mine devient grave. Nami ne le voit pas, il n'a d'ailleurs pas l'intention d'en parler à l'acteur, mais il a l'intention de faire quelque chose à propos de cet Akira.

Ce frère ...Non : ce faux-frère mérite une leçon. Il faut que quelqu'un lui mette des limites, et s'il faut que ce soit moi, alors je le ferais.

Et il serre un peu plus fort Nami contre lui en prenant cette résolution.

" Tu auras du mal à te débarasser de moi, tu sais. "
Sigmund a un petit rire tendre en glissant cette boutade à l'oreille de Nami. Il caresse la nuque du jeune homme avec douceur, car il le sent encore un peu secoué par les émotions. Lui aussi ça lui fait du bien de sentir entre ses bras celui qu'il a choisi. Il oublie tout. Nami lui murmure alors qu'il l'aime, et l'asgardien couvre sa main de la sienne et la place sur son coeur avant de plonger un regard intense dans le sien.

" Nami ... "

Il aimerait lui aussi lui dire ce qu'il ressent, mais il n'est pas aussi doué avec les mots que l'acteur. Il ferme les yeux, se concentre, prend une inspiration. Avant de renoncer. Aucun mot au monde ne peut dire la force qui l'attire à Nami, ni à quel point il a besoin de sa présence. Il l'emprisonne dans ses bras et pose des baisers à la fois doux et brûlants sur la bouche du jeune homme.

Alors qu'il reste enlacé avec l'acteur, ne se préoccupant que de sentir la chaleur de son coeur contre la sienne, Sigmund a la certitude que malgré les difficultés qui s'annoncent, sa place est bel et bien là aux côtés de Nami. Il arrive enfin à prononcer ces mots dérisoires qui valent pourtant mieux que rien.

" Je t'aime, Nami. "

Il reste ainsi jusqu'à ce que Makoto revienne pour annoncer la suite du programme. Désormais il est prêt à endurer avec patience de voir Nami faire les efforts les plus difficiles pour accomplir la mission qu'il s'est donné. Il est là pour le soutenir, et non pour l'empêcher d'arriver à ses fins. Mais désormais, il sait qu'ils ont des ennemis. Et Hilda pourra peut-être l'aider à les identifier. Après le départ du studio, Sigmund passe encore un peu de temps avec Nami, avant de prendre le chemin de la banlieue où ils font leurs adieux.

" Je reviendrais le plus vite possible, je te le promets. Ce soir, si je le peux. Je vais prendre Fenrir avec moi, il faut l'éduquer avant qu'il ne soit possible qu'il vive en ville. "

Avec le sac à dos sur l'épaule et le chiot à l'abri dedans, il envoie un salut en souriant à Nami avant de partir dans la campagne sauvage, rapide comme une ombre.